Une commission d’experts organisée par Lancet a évalué l’influence de différents facteurs de risque de démence. Les neuf facteurs bien connus (éducation, hypertension, déficience auditive, tabagisme, obésité, dépression, inactivité physique, diabète, faible contact social) ont été complétés avec trois nouveaux facteurs : la consommation excessive d’alcool, les lésions cérébrales et la pollution de l’air. Le traitement de l’ensemble de ceux-ci permettrait de retarder environ 40% des démences dans le monde.
Contrôler 12 facteurs de risque permettrait de prévenir ou retarder cette maladie neurodégénérative. Parmi les mesures les plus importantes : élever le niveau d’éducation et corriger une perte d’audition.
Prévenir la maladie d’Alzheimer ? Ce défi est devenu une perspective mesurable. L’enjeu est énorme. Dans le monde, quelque 50 millions de personnes souffrent aujourd’hui de cette démence liée à l’âge ; si rien n’est fait, elles devraient être 152 millions en 2050. Le coût global actuel lié à cette affection est estimé à mille milliards de dollars par an (850 milliards d’euros).
« La maladie d’Alzheimer n’est pas une fatalité. Certes, on ne peut en empêcher la survenue. Mais on peut repousser de plusieurs années l’apparition de ses symptômes. Au final, les gens mourront d’une autre affection – cancer, maladie cardio-vasculaire… – avant que ne se manifestent les troubles cognitifs et comportementaux liés à cette démence », explique Philippe Amouyel, professeur de santé publique et directeur général de la Fondation Alzheimer. Ces troubles ne surviennent que vingt à trente ans après le début du processus de dégénérescence du cerveau. On peut donc en freiner le développement en contrôlant les facteurs qui l’accélèrent.
Douze de ces facteurs de risque ont été passés au crible d’une étude publiée le 30 juillet dans la revue The Lancet. Verdict : en contrôlant chacun d’eux, on pourrait prévenir ou retarder jusqu’à 40 % des cas d’Alzheimer – et plus encore dans les pays à faible et moyen revenus, où vivent les deux tiers des personnes touchées.
Ce travail, en réalité, prolonge une étude publiée en 2017 dans la même revue, qui chiffrait l’impact de 9 facteurs de risque. Ici, les auteurs en ajoutent 3 autres : les traumatismes crâniens, la pollution de l’air et l’abus d’alcool.
Pression artérielle, alcool, tabac…
Résumons. Chez l’enfant et le jeune adulte, on préviendrait ou retarderait 7,1 % des cas d’Alzheimer en élevant le niveau d’éducation. Plus tard, entre 45 et 65 ans, on préviendrait ou retarderait 8,2 % des cas d’Alzheimer en corrigeant les pertes auditives ; 3,4 % en évitant les traumatismes crâniens même légers ; 1,9 % en maintenant une pression artérielle systolique égale à 130 mmHg au plus ; 0,8 % en limitant sa consommation d’alcool à 3 verres par jour ; 0,7 % en luttant contre l’obésité. Même à plus de 65 ans, on peut agir : en arrêtant le tabac, on préviendrait ou retarderait 5,2 % des cas ; en traitant la dépression, 3,9 % ; en luttant contre l’isolement social, 3,4 % ; en maintenant une activité physique, 1,6 % ; en traitant le diabète, 1,1 % ; en limitant l’exposition à la pollution de l’air, 2,3 %.
Par Florence Rossier, article complet publié dans Le Monde le 31 juillet 2020